"Ah là là mais c'est pour bientôt !! Vous devez être trop contents !!" Voilà les phrases que j'entends en ce moment lorsque j'évoque notre prochain déménagement. Et moi de répondre ...
“Oui oui, on est contents mais tu sais, on a toujours beaucoup de mal à se projeter …”
L’année dernière, après plus d’un an de recherche, nous avons signé un contrat d’achat d’une maison en VEFA, vente futur en l’état d’achèvement. C’est à dire une maison dessinée sur un bout de papier pour laquelle nous ne choisissons que le carrelage, la cuisine et … c’est tout. Comme on achète un appartement sur plan, nous avons acheté une maison. Une décision raisonnable dans un contexte immobilier compliqué et une situation personnelle qui nous poussait à ne pas attendre davantage.
Je regarde parfois les émissions de Stéphane Plazza, vous savez celles où les familles visitent des maisons à grands coups de “wahou” et de “rhoooo”, des larmes dans les yeux “c’est la maison de notre vie, il nous la faut ABSOLUMENT !”
Nous avons visité une douzaine de maisons et pas tant d’émotions de notre côté. Il y a bien eu quelques cris d’effrois devant la fenêtre des voisins ouvrant pile sur notre jardin ou encore le sous-sol aménagé en chambre dans laquelle tu ne tiens pas debout mais aucun coup de cœur plazzanesque. Alors devant cette opportunité de cette maison neuve qui correspondait parfaitement à nos besoins, dans un très chouette cadre, nous avons signé. Nous achèterons un coup de cœur plus tard. Peut-être.
Depuis un an, les cairons s’alignent les uns sur les autres et comme nous ne suivons pas le chantier, nous avons été éloignés des semaines entières du projet.
Ce n’est qu’en janvier que les amis ont commencé à attirer notre attention “les mois vont passer vite, vous y serez bientôt”. La petite phrase si souvent répétée a commencé à se frayer un chemin vers nous, qui avons tant de mal à nous projeter. Nous fonctionnons comme ça tous les deux, le jour J est celui qui compte vraiment.
Excès de prudence ? Certainement. Les nombreuses désillusions de la vie ? peut-être. Une crainte de s’engager sur notre premier achat immobilier ? Oui aussi. De la superstition ? De mon côté, carrément. Je porte main de fatma et œil méditerranéen en tatouage. Je suis à ça de clouer une chouette sur ma future porte d’entrée.
Cette barrière de protection allège notre quotidien et nos contraintes à venir - j’ai pleuré dans la bureau de notre conseillère bancaire devant ses tableaux d’amortissement, saisie d’angoisse et je me réveille souvent la nuit en suffoquant “comment je vais pouvoir payer le prêt de la maison, les études de Gabriel et la maison de retraite de mon père ?” (je précise que Gabriel n’est qu’en première et que mon père vit toujours dans son appartement. Comme quoi, je sais très bien me projeter. Surtout dans ce qui n’existe pas encore et n’existera peut-être jamais.)
Ce refus inconscient de nous porter plus loin que le mois prochain comporte un revers. Plusieurs même.
Le premier est d’ordre logistique. Si la cuisine est bien commandée, il nous manque toujours notre piano de cuisson. Pensez-vous que l’on s’en inquiète ? Bof, même pas. Il nous reste deux mois, on est laaaaaarges !
Le second revers sera considéré par certains comme un peu triste peut-être. Notre joie est à la hauteur de notre projection : toute timide. Mais elle est bien là je crois. Elle attend juste le bon moment pour s’exprimer.
Que nous ayons les clés dans les mains et notre piano de cuisson ? C’est bien possible !
...